Les personnages des Misérables ne sont pas des personnages comme les autres, ils ne relèvent ni de la "concurrence à l'état civil" (c'était le projet de Balzac dans la préface de La Comédie humaine), comme ceux de Stendhal, de Tolstoï ou de Flaubert, ni du type, comme ceux de Molière ou de Balzac ; ils ne sont pas non plus des "fonctions", bien que l'on puisse aussi trouver les uns et les autres dans le roman, comme le grand-père Gillenormand, type du grand bourgeois ayant survécu au dix-huitième siècle avec ses préventions et ses habitudes, voire Théodule, le neveu militaire.
Les personnages importants des Misérables sont des symboles, pour commencer par ce qui les marque tous, symboles du changement, de la possibilité de se transformer. Au cours du récit, tous se transforment, y compris le petit Gavroche, symbole du peuple. Jean Valjean, brave homme introverti que la misère accule au vol se transforme en dangereux hors-la-loi presque malgré lui, accumule des profondeurs de haine, puis sous l'impulsion de Monseigneur Myriel, devient M. Madeleine, homme repenti, lit, apprend, réfléchit, découvre l'amour et le véritable sacrifice, et dans le regard de ceux qui l'entourent (y compris Javert qui, lui, ne peut changer et en meurt) il apparaît comme un saint. Cosette, petite fille laide et martyrisée devient une jeune femme épanouie. Marius monarchiste découvre le bonapartisme en même temps que la Révolution et commence son long chemin vers la république.
Peu ou prou, tous les personnages passent par des mutations, à commencer par Monseigneur Myriel qui va voir un "terroriste" (comme dit Lamartine) et finit par lui demander sa bénédiction.
Ces transformations sont rendues possibles par l'amour. Et si certains ne changent pas : Javert dans la rigidité de la loi qu'il représente, au double sens du terme, par sa fonction de policier qui en fait le défenseur et par sa personnalité qui en fait l'incarnation ; Thénardier dont l'égoïsme l'enfonce de plus en plus dans sa noirceur, c'est qu'ils sont justement hors de tout amour.
La force de ces personnages vient de ce qu'ils sont à la fois fortement individualisés. Cosette n'est pas tous les enfants martyrisés, mais une petite fille, puis une jeune fille particulière, comme Marius n'est pas tous les "enfants du siècle", mais un jeune homme particulier, et qu'en même temps le lecteur les perçoit comme représentant autre chose qu'eux-mêmes.
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