vendredi 6 septembre 2013

Chaos vaincu

Jean Valjean a dû vaincre encore une autre tentation : «  Dieu a ses voies; le couvent contribua, comme Cosette, à maintenir et à compléter dans Jean Valjean l’œuvre de l’évêque. Il est certain qu’un des côtés de la vertu aboutit à l’orgueil.[…]. Tant qu’il ne s’était comparé qu’à l’évêque, il s’était trouvé indigne et il avait été humble ; mais depuis quelques temps il commençait à se comparer aux hommes, et l’orgueil naissait. Qui sait ? Il aurait peut-être fini par revenir tout doucement à la haine ». Mais il a « sous les yeux le sommet sublime de l’abnégation ». Ainsi « tout ce qui était entré dans sa vie depuis six mois le ramenait vers les saintes injonctions de l’évêque, Cosette par l’amour, le couvent par l’humilité ».


Un des aspects les plus remarquables de cette profonde cohérence des Misérables vient sûrement de ce que le roman unit l’histoire de l’émeute à une grande partie de celle de Jean Valjean. « Qu’est-ce que les convulsions d’une ville auprès des émeutes de l’âme ? L’homme est une profondeur plus grande encore que le peuple. Jean Valjean, en ce moment –là même, était en proie à un soulèvement effrayant. […]. Lui aussi frissonnait, comme Paris, au seuil d’une révolution formidable et obscure ». La naissance du Peuple et celle de l’Homme se font dans des souffrances pareilles, plus cruelles cependant quand il s’agit de la conscience de l’Homme.

Extrait de: Chaos vaincu - Quelques remarques sur l'oeuvre de Victor Hugo
Par Guy Robert


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